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VOYAGES DANS L'OUEST AFRICAIN

PAR Vit. SAVORGNAN DE BRAZZA.

1875 - 1887. – TEXTES ET DESSINS INEDITS

II

PERSONNEL ET MATÉRIEL DE LA MISSION.

Avec quels hommes et disposant de quels moyens allais-je accomplir ce premier voyage ?

J'ai nommé déjà. Noël Ballay et M. Alfred Marche.

Un jeune quartier-maître de manoeuvre de la marine, doué d'une grande force physique et d'une inaltérable bonne humeur, apte aux travaux manuels comme l'est du reste tout bon marin, M. Hamon, porte à quatre le nombre des Européens de la mission.

Le personnel de couleur comprend quatre interprètes et une escorte de laptots.

Les laptots, tous musulmans, sont braves, mais leur humeur batailleuse s'exerce trop souvent dans des rixes. Dès le début deux doivent être renvoyés pour cause de maladie.

De mes interprètes, Détiuma, Chico, Isingona et Mando-Mango, je compte le plus sur les deux premiers. Je connais en effet depuis 1873 le vieux Détiuma, que j'ai rencontré dans le Como; la valeur de Chico m'est garantie par son ancien service auprès de M. de Compiègne. Tous parlent convenablement mpongoué; bakalais et pahouin ;ils arrivent à articuler quelques mots de notre langue.

Détiuma n'a plus l'air pittoresque que lui donnait son costume national : il apparaît dans des vêtements de matelot surchargés de gris-gris et d'amulettes.

Chico, qui cumulera les fonctions de cuisinier et d'interprète, ne paye guère de mine avec son air niais et ses bras ballant plus bas que ses genoux; mais il exécute sans discuter les ordres, et, chose rare, il n'est pas menteur.

Notre armement se compose de quatorze mousquetons et de huit revolvers : les interprètes portent nos fusils de chasse.

Quatre-vingt-dix caisses en tôle, soudées et pesant chacune environ 22 kilogrammes: vingt-six caisses en fer-blanc de 50 kilogrammes renferment, nos menues marchandises ou objets d'échange, étoffes, perles, couteaux, miroirs, poudre, cartouches; quarante autres colis contiennent les marchandises encombrantes, telles que cuivre, sabres, fusils de traite, etc. C'est en tout un poids de huit tonnes.

Ces cent cinquante-six ballots forment notre capital à nous maintenant de le faire travailler et produire.

III

DU GABON A ANGOLA

Je ne m'attarde pas à raconter les obstacles de mon entrée en campagne. Le plus grand ennui me vint de l'absence des pirogues, que j'avais eu soin pourtant de commander sur indications spéciales. M. Marche dut partir à l'avance, le 26 octobre, pour chercher ci acheter ces pirogues, sans lesquelles nous ne pouvions nous risquer dans les rapides. En attendant notre départ définitif, faisant contre fortune bon coeur, nous profitons du Marabout, petit vapeur de la station

cale, pour nous rendre dans le Como et y faire connaissance j sance avec les M'Fans ou Pahouins.

Le commandant du Marabout était envoyé près l'administration comme arbitre. - Depuis quelque temps un Sénégalais propriétaire de plusieurs factoreries du pays, ayant eu l'un de ses magasins pillé. ordonnait bonne garde. Certaine nuit qu'une pirogue indigène semblait ranger de trop près quelques bâtiments à marchandises, le veilleur avait déchargé son fusil dans la direction des pagayeurs. Effrayés, ceux-ci s'étaient jetés à l'eau, faisant chavirer la pirogue; un enfant était mort noyé. - Grand émoi aussitôt chez les Pahouins, déclarant la guerre aux Sénégalais; plainte de ceux-ci, demandant qu'on vînt terminer ce différent

J'ai l'occasion ainsi d'assister à une palabre. Nous déterrons l'enfant, bien qu'il soit coin, depuis trois jours ; le docteur Ballay a le courage s'assurer que la mort n'est point due à la balle l'homme de garde. Cette constatation terminée, nous nous rendons au lieu du débat. -Le village est sur le pied de guerre. Toutes les marchandises ont d'ailleurs été depuis longtemps emportées des cases.

Il faut écouter les longs discours de chacun, car les orateurs ne formulent leurs conclusions qu'après mille digressions inutiles. Enfin, moitié de gré, moitié de force, grâce aux promesses de cadeaux et aux menaces de brûler le village, la palabre se termine et l'on paraît, se séparer sans rancune.

Le 3 novembre, le même Marabout quitte le Gabon pour nous transporter, nous et nos bagages, jusqu'à Mimba Rémi ou Lambaréné, limite des établissements européens sur le bas Ogooué, à 240 kilomètres environ de la côte.

Signalons tout de suite le premier désagrément de la vie africaine. Tout voyageur fait dès son départ la connaissance des moustiques. Un Européen peut à grand' peine s'imaginer combien sont nombreux ces insectes....

(à suivre)

Update: 20.03.2006