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Le dimanche la grand place de Temascaltepec regorge de monde

DANS UN DISTRICT ARGENTIFÈRE DU MEXIQUE

PAR M. ALBERT BORDEAUX

En quittant Mexico. - L'eau de miel extraite du maguey-Halte à Toluca. - A cheval dans la montagne. - Arrivée à Temascaltepec. - Histoire de quelques mines d'argent. - Le traitement du patio. - La vie des mineurs. - Le cours de la piastre. - Les affaires au Mexique. - L'automobilisme au Mexique. - Retour  à  Mexico.

Les différents séjours que j'ai faits aux mines d'argent du Mexique (celui à Temascaltepec m'a laissé l'impression la plus vive. L'en­droit est tout à fait caractéristique, et pour s'y rendre, on traverse une région des plus pittoresques. De plus, j'eus la chance de disposer de moyens de locomotion peu habituels dans un pays encore si pri­mitif, bien qu'il détienne le record de la production d'argent du monde; le Mexique en effet a fourni environ pour 24 milliards de métal blanc, depuis le XVI° siècle. L'effet de légende produit par le recul des âges est ici une réalité, et Temascaltepec en a eu sa part, bien que fort inégale à celle de ces villes fameuses aux noms étranges, qui s'appellent Zacatecas, Guanajuato, ou Chihuahua.

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Sur la route de Temascaltepec

Temascaltepec n'est pas très loin de Mexico; on peut mémo s'y rendre en un jour lorsqu'on dispose d'une automobile pour arriver jusqu'à la région où commencent les mauvaises routes. En chemin de fer, on passe par Toluca, capitale de l'État de Mexico, car la ville de Mexico forme le district fédéral, comme Washington aux États­ Unis. De Toluca, un embranchement -à voie étroite conduit à San-Juan de las Huertas, où commencent les chemins de montagne, et dont la distance à Temascaltepec est d'environ 60 kilomètres.
Nous partîmes de Mexico en automobile il faisait à notre départ une matinée merveilleuse; pas un nuage au ciel, sur le bleu duquel se détachaient les fins profils blancs des montagnes géantes, l'Ixtaccihuatl et le Popocatepetl, qui bordent au sud l'immense vallée de Mexico. La route était bonne, et nous filions presque aussi doucement qu'une barque glissant sur l'eau, sur cette route sans poussière à cette heure matinale. Quel pays merveilleux! De ce grandiose paysage, témoin de la glorieuse destinée de Fernand Cortez, s'évoquait tout naturellement un hymne comme celui de Vasco de Gama à la terre africaine.
De chaque côté de nous défilent à perte de vue des champs de maguey : c'est ce qui, au Mexique, remplace la vigne. Si la vigne, bien que gracieuse, est monotone, le maguey l'est davantage, avec ses grosses feuilles charnues d'un vert clair. C'est un cactus qui dépasse trois et quatre mètres de hauteur. Ses ressources sont sans pareilles, mais éphémères. Au bout de cinq à huit ans, lorsque la tige centrale, destinée à porter plus tard la fleur, commence à s'élever, on la taille ; alors il se forme une sorte de coupe, où s'amasse la sève. Ce suc, appelé agua-miel (eau de miel) ou pulque, donne de 5 à 8 litres par jour pendant un ou deux mois. Tous les jours on le recueille et on le transporte à la ferme, d'où il est presque aussitôt expédié sur le marché, car il faut boire le pulque dans les vingt-quatre heures, la fermentation étant très rapide. La couleur en est laiteuse ; le goût très original est doux et agréable.
Outre le pulque, le maguey donne des liqueurs dont le mescal est la plus appréciée des Mexicains. Les fibres principales des feuilles :donnent un tissu très solide dort les Indiens font leurs manteaux ou tilmas; enfin le reste des feuilles sert d'aliment au bétail.
Cependant nous commençons à gravir des pentes en traversant un village. Nous montons et derrière nous la grandiose vallée de Mexico s'étend à l'extrême horizon où brillent ses lacs. Nous approchons d'un premier col; dès qu'il est traversé, un autre se dessine. Le long intervalle qui les sépare, solitaire et comme isolé du monde, s'appelle las Cruces, les Croix, à cause des nombreuses croix qui marquent des tombes. Ce sont, parait-il, celles des victimes des brigands qui infestaient autrefois ces montagnes. Les sapins couvrent les pentes, et le paysage prend un air complètement alpestre : jamais on ne se croirait au Mexique. Nous sommes cependant bien sur la zone de séparation des eaux de l'Atlantique et du Pacifique à 3000 mètres d'altitude.
Nous passons la cime et nous descendons vers les lacs de Lerma : ce qui était autrefois la grande ville de Lerma, le repaire des brigands, n'est plus qu'un village. La vallée de Toluca se dessine avec sa rivière (lui semble une traînée d'argent, partant d'une haute cime neigeuse, le volcan de Toluca.
Le long de la route, mon compagnon de voyage, propriétaire de mines, qui vient du Guerrero, tic perd pas une occasion de m'instruire. 11 possède un palais à Mexico et un château sur les bords d'un lac presque aussi beau, dit-il, que les lacs italiens. Ces mineurs qui ont des palais et des châteaux, me rappellent l'histoire du fameux Jean Laborde, un ancien mineur mexicain, Français d'origine, qui fit plusieurs fois une immense fortune, à Zacatecas d'abord, puis à Taxco, non loin de Temascaltepec, où nous allons. A Taxco, il fit mieux qu'un château, il construisit une cathédrale au milieu des montagnes. Sans chercher l'effet, il l'obtint, car celui de cette superbe église est décuplé par le relief que lui donnent le paysage grandiose et la claire atmosphère. Son autre chef-d'oeuvre, ce sont ses jardins de Cuernavaca : ils imitent ceux de Versailles, avec leurs terrasses, leurs lacs, leurs cascades, leurs avenues. Jean Laborde fut créé comte de Laborde, après avoir retiré de ses mines des sommes fabuleuses, qu'on évalue à près de 150 millions.
De tels chiffres commen­tent éloquemment la ri­chesse des mines, il y a deux ou trois cents ans...
Le temps a passé comme l'éclair, quand nous entrons dans Toluca, par de vastes ave­nues. Bien que très an­cienne, cette ville paraît neuve avec ses maisons blanches, ses belles pla­ces et ses jardins. Il y a même un excellent hôtel, où ronflent des groupes d'automobiles : c'est que la route Mexico-Toluca est la seule du Mexique praticable à ce sport. L'hôtel du Gouverne­ment, le plus beau de la République, a été cons­truit sur l'emplacement du palais du fils de Fernand Cortez. Le marché, avec ses arcades pompéiennes, frappe par l'abondance des produits des terres chaudes. L'altitude de Toluca, voisine de 3000 mètres, leur assure la conservation en rafraîchissant le climat.
De Toluca, nous allons encore en automobile jusqu'à San-Juan en nous rapprochant du volcan, le Nevado de Toluca, que les Indiens appellent Xinantecatl. Il a 4 600 mètres de haut et de la neige presque toute l'année. De noires sapinières en garnissent les pentes jusqu'à la base du tronc de cône terminal dont le centre est occupé par un lac. San Juan est fort pittoresque et jouit d'un petit hôtel: son petit chemin de fer va être prolongé jusqu'à Sultepec, complétant ainsi, depuis Mexico, la voie la plus variée et la plus curieuse, en dehors des  terres chaudes, de tout le Mexique.
Nous faisons encore une dizaine de kilomètres en auto, par un mauvais chemin, de plus en plus étroit et coupé de fondrières, jusqu'à des bâtiments de ferme appartenant à une de ces immenses haciendas mexicaines, grandes comme un canton de France. C'est notre extrême limite, et des chevaux nous y attendent. Comme il est onze heures, avant d'entreprendre notre dernière étape, qui sera longue, nous nous restaurons dans ce site entouré de bois.
Le chemin où nous nous engageons avec nos guides, n'est accessible qu'à des chevaux et à des chars grossiers auxquels, dans les fortes pentes, on attelle des' douzaines de mules : d'ailleurs la voie est à peine carrossable, car de gros blocs surgissent assez souvent au milieu ou sur les côtés. Jusqu'au point culminant, appelé encore las Cruces, la route traverse une région tout ombragée de pins superbes, dans les intervalles desquels on voit des montagnes vertes, ou la cime neigeuse du Nevado. Las Cruces n'offre de curieux que des amas de rochers dans une petite clairière, avec une série de croix de bois fort grossières, où de pieuses Mexicaines suspendent en ex-voto, pour sécher au soleil, ce qui a appartenu à leurs nouveau-nés. Pour le moment, en tout cas, rien ne se balance à ces croix et je me demande si elles ne signifient pas que c'était, ici aussi, un lieu de rendez-vous des brigands mexicains.

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La montée qui aboutit à Las Cruces, la route de Temascaltepec


Nous descendons sans cesse depuis las Cruces, et peu à peu, en approchant du niveau des vallées les pins s'éclaircissent pour laisser place à des cultures et à de petits villages. Parfois, comme dans les montagnes russes, on remonte tout à coup, pour redescendre plus vite encore. Nous traversons des ravins profonds, des barrancas, dont le fond est semé de grosses pierres et même de bancs de rochers. Ainsi nous passons le village d'Albarranes et son église perchée sur un rocher : les petites maisons mexicaines paraissent assez propres.

Le chemin ne cherche nullement des pentes raisonnables, il va au plus court; on se demande comment  peuvent s'en tirer les chariots de transport, mais ce n'est qu'une question de nombre de mules. Mon compagnon, qui paraît peu aimer les ingénieurs, nous raconte qu'un jour, un de ces professionnels voulait construire une usine dans ces montagnes; pour transporter les lourdes pièces de ses machines, il recourut à la méthode savante du petit chemin de fer portatif, que l'on construit à mesure et qu'on démonte ensuite. Un Mexicain, voyant la peine qu'il se donnait, offrit de faire les transports pour une somme qui parut presque dérisoire à l'ingénieur. Il accepta, et fut bien étonné de voir son travail exécuté sans retard, à grand renfort de mules, et avec les chariots à roues pleines du pays, roues antiques, mais en rapport avec d'antiques chemins. Le Mexicain n'est guère homme de progrès, mais les Américains du Nord qui déjà viennent jus­qu'ici avec leurs dollars, les affranchiront vite de leurs routines.
La route commence à me paraître longue, lorsqu'en essayant de regagner un petit retard, j'ai l'agréable surprise de voir mon compagnon attablé sous l'auvent d'une cabane avec une bande de gens, et dégustant des oranges tandis qu'une maigre fusillade retentit autour de lui. Je m'informe. C'est une députation qui est venue de Temascaltepec pour nous attendre. Du moins, elle est venue attendre mon com­pagnon qui, lancé dans la politique, vient voir ses électeurs. Décidément en tous pays les moeurs se ressem­blent ! L'américain du Nord, lui, fait ici une différence. N'aimant pas le nègre ni l'Indien, il a horreur du métis et traite le Mexique de gouvernement de métis, voulant dire qu'il a, à une plus grande puissance, tous les vices des deux races dont il est issu. La corruption dont il s'agit ici est surtout financière et je crois bien qu'en tout pays, métis ou non, lors des élections, la finance a un rôle et le joue.
On boit des orangeades fort rafraîchissantes, et on repart en cavalcade.
Autour de nous, ce sont des montagnes boisées, tandis que de chaque côté de la route se creuse un ravin profond. La route s'avance en éperon et va plonger droit sur Temascaltepec, qui est au confluent de, deux rivières. La pente, de plus en plus raide, devient une chaussée pavée de galets ronds, ce qui ajoute à la difficulté de la descente. Enfin nous débouclions dans une rue étroite, bordée de maisons basses, aux toits aplatis, avec un ruisseau courant au milieu du pavage en double pente. Telles étaient, il n'y a pas encore très longtemps, les petites villes des Alpes.

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Installation d'une usine de broyage pour les minerais d'argent

Nous arrivons sur une place ombragée de grands arbres, en face d'une église. C'est Temascaltepec, dont l'aspect est vraiment frais, agréable, réconfortant, je suis tenté de dire enchanteur, après une course un peu dure. Temascaltepec est le centre d'un grand district agricole, prospère par son climat et la nature de son sol, apte à toute espèce de culture. La prospérité minière d'autrefois passe pour dater de la découverte d'une riche mine d'argent, dans la montagne ap­pelée Peñon del Rey. Cette découverte fut faite, assure la légende, par un mineur échappé de Zacatecas et fuyant pour des vols répétés. La mine del Rey fut si riche, dit-on, que ce mineur, nommé Medina, eut sa grâce avec un document officiel du vice-roi le met­tant en possession de sa découverte, comme ayant apporté un nouveau fleuron à la couronne d'Espagne. De­puis lors, bien d'autres bonanzas, c'est ainsi qu'on nomme les parties riches des filons d'argent, ont été décou­vertes et nous en parlerons.
Le petit bourg de Temascaltepec est au fond d'un ravin, le long d'une rivière, et sur des pentes escarpées, ne laissant place aux cultures que sur une des deux rives. Avec ses toits rouges, en auvent sur les rues, avec ses arbres et ses jardins, son entourage de montagnes boisées, on dirait, même pour l'atmosphère, un joli site du Tyrol italien. A 1 800 mètres d'altitude, on a la brise des Alpes, mais la neige ne tombe jamais l'hiver, on a du givre, l'été des pluies torrentielles. Trois petites haciendas, ou usines de traitement de l'argent, au-dessus et au bas du bourg, achèvent de donner un air original à cet endroit.
 Au milieu de la place, ombragée d'arbres imposants par leur taille et l'épaisseur de leur feuillage, se trouve l'inévitable kiosque où l'on fait de la musique le dimanche. Ici l'orchestre comprend une clarinette, une flûte et des mandolines, quelquefois un cornet à piston au trémolo prétentieux et divertissant. Au bout de dix minutes, on connaît tout le répertoire; c'est un mouve­ment perpétuel qui n'est bientôt plus qu'un bruit, pas toujours très harmonieux, car on oublie de s'ac­corder. N'importe, c'est de la vie. La musique mexi­caine, oserai-je dire espagnole, ne me paraît guère avoir plus de va­leur artistique que celle des États­ Unis.
Il y a ici en­viron trois mille habitants, mais le district en compte plus de quarante mille, dispersés dans de nombreux petits villages. Des fortunes acquises dans les mines, il reste quelques jolies maisons. Plusieurs Français et des Suisses se sont fait une situation, grâce aux mines et à l'industrie de l'huile, de la farine, des savons, etc. Les Français ont fondé la mine Rincon et remettent en valeur les vieilles mines de Mina de Agua et d'El Rey. Et on dira qu'ils ne sont pas industrieux!
Le dimanche, la grande place regorge de monde et de boutiques en plein vent. Rien de plus brillant à l'oeil que ces Indiens en blanc avec leurs couvertures rouges et leurs vastes chapeaux pointus. Le soir, une bonne partie du profit de la journée s'en va dans les pulqueries où la pulque enivrante amène des disputes la police intervient et plus d'un pauvre diable va passer sa nuit au poste.

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Une mine d'argent prés de Toluca


Le gendarme mexicain est un type qui diffère fort peu de l'Indien : rien de moins militaire que sa tenue, presque de même couleur que sa peau bronzée; son air misérable ne se détend un peu que lorsqu'il aperçoit un être pris de boisson. Alors il se précipite pour l'emmener, parfois non sans peine, mais le plus souvent sans cris. Le prisonnier est une aubaine, il fait les corvées, et remplit, s'il a quelque tact, les poches des fonctionnaires. Il est parfois épique de voir des femmes disputer leur proie aux gendarmes, chacun tirant de son côté un bras ou une jambe de la victime, qui ne parait pas savoir de quel côté il serait préférable de faire oeuvre de soumission.
J'ai fait, à deux reprises, un assez long séjour dans cette région; j'ai visité beaucoup de vieux travaux de mine dont l'histoire serait sans doute fort curieuse à connaître. Il y a eu, certes, de riches découvertes, mais combien de recherches ont été infructueuses, 'combien de ruines se sont produites! Pourtant, on n'y songe guère. Les gens ne voient que le succès et s'imaginent qu'on réussit toujours! Dans un pays si creusé de puits et de tunnels, les accidents sont fréquents. Ici, c'est un puits en contrebas d'un chemin mule­tier, dans lequel, il y a deux ans, pour un faux pas, un cavalier et son cheval furent précipités et littéralement broyés. Là ce sont deux mineurs, en quête de minerai riche, des buscones, comme on les appelle, qui tombent avec leur échelle au fond d'un puits : l'un est tué sur le coup, l'autre a les jambes brisées, et reste deux jours sans nourriture à côté d'un cadavre, jusqu'à ce qu'on vienne le retirer. Sans être aussi malheureux, j'ai fait la triste expérience d'une échelle mal fixée qui m'a entraîné dans une chute verticale de 15 mètres entre des parois verticales.
Les mineurs d'autrefois n'oubliaient pas la part de l'idéal dans leurs entreprises : ils élevaient partout des églises et des chapelles, et c'est ce qui rend fort pittoresques les villages des alentours de Temascaltepec. D'ailleurs le Gouvernement, dans le but intéressé, il est vrai, de continuer à percevoir de fortes taxes sur les exploitations, vint parfois en aide aux mineurs en faisant des dépenses considérables pour épuiser l'eau qui les envahit. C'est que bien des mines du district ont la fâcheuse habitude d'avoir beaucoup d'eau : l'une d'elles même en a tant qu'on l'appelle Mina de Aqua (mine d'eau).
L'exploitation des mines avait autrefois un caractère communiste : l'argent produit était partagé par moitié entre le capitaliste et le mineur. C'est Humboldt qui donne ce détail, il visita Temascaltepec vers 1810, et il alla jusque dans le Guerrero, aux mines du Vadeliste et à celles de Taxco, où se distingua ce Jean Laborde que j'ai déjà cité.


Le peñon del Rey dont les mines d'argent firent la célèbrité de Temascaltepec

Le caractère de la plupart des filons de cette région, et que d'ailleurs on retrouve en d'autres pays, est de former des colonnes métalliques, parfois si minces, qu'on les appelle des clavos (clous ou coins).
Ces clous n'ont quelquefois qu'un ou deux mètres de diamètre, mais alors ils sont extrêmement riches. Il arrive qu'entre deux clous de ce genre, le filon tient encore assez d'argent pour être exploité : dans ce cas, on extrait le tout, ce qui produit des vides considérables entre des parois de roche verticales, distantes de un à trois mètres. La profondeur de ces exploitations a souvent atteint 80 mètres en quelques endroits, on est allé à 120 mètres. Même la mine Paula, exploitée par une femme, appelée dopa Rosa, est réputée avoir dépassé 200 mètres de profondeur. Dans les mines Socorro et Rincon, où l'on a pu sur­monter les venues d'eau et approfondir les travaux, on a retrouvé du bon minerai jusqu'à plus de 200 mètres do profondeur. Je n'ai guère obtenu de documents sur les an­ciennes bonanzas de Temascaltepec, mais je citerai les plus récentes qui ont beaucoup d'intérêt.
En 1885, une compagnie française com­mença des travaux à l'ancienne mine Rincon. Après diverses péripéties et une dépense de 1 à 2 millions, en puits et tunnels de fond, elle découvrit une bonanza à 103 mètres de profondeur, mais avec une telle abondance d'eau, qu'il fallut lui céder la place, et la mine fut noyée. En même temps, le capital était épuisé. Les fondateurs de l'entreprise vendirent la mine pour un prix dérisoire à un ancien actionnaire qui avait organisé un petit syndicat mexicain.
Celui-ci, sans cependant ajouter de nouvelles machines, arriva à dominer l'eau, et entra dans une bonanza qui, de 1891 à 1895, rendit de 8 à 9 millions de francs. Récemment une compagnie américaine a repris en grand les travaux du Rincon.
La mine Socorro exploita une bonanza de 2 millions et demi entre 1896 et 1899.
La mine Quebradillas fut reprise en 1884 par le curé de Temascaltepec qui réussit à trouver des capitaux à Mexico, s'étant juré que sa paroisse recouvrerait sa prospérité d'autrefois. La bonanza qui fut décou­verte était en trois parties parallèles, qui donnèrent 8 millions de francs, et le curé à lui seul fit, avec ses actions, un bénéfice de 300 000 francs, qui lui permit de repartir pour l'Espagne et de s'y fixer.
Dans le voisinage, à Sultepec, la mine Quemica fut, pendant trente-six ans (1862-1898), la propriété des Aubert, une famille française qui y consacrait tous les profits provenant de ses moulins et de ses terres. Durant cette longue période, on ne découvrit que de petites bonanzas de 30 à 40000 francs. En 1898, la mine fut vendue, ayant coûté, en définitive, près de 2 millions à la famille Aubert. L'acheteur, à son tour, épuisa son capital en cinq ans, en recherches infructueuses. Mais, en 1903, à bout de ressources, il tomba sur une bonanza toute voisine des travaux des Aubert et qui, en six ou sept mois, produisit 3 millions et demi. D'ailleurs le même filon avait formé autrefois la mine Malacate, fameuse au Moyen âge au point d'avoir fait donner à la région le none de Provincia de las Platas, la province des argents!
La manière de traiter le minerai au Mexique est toute spéciale : c'est le procédé du patio, introduit au Mexique vers l'an 1600, par un moine, Bartholomé Medina, et qu'on croit être d'origine asiatique. Ce procédé a été un peu modernisé et on s'en sert encore en quelques endroits du Mexique. Presque partout ailleurs, il est abandonné et remplacé par d'autres méthodes de traitement.

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L'usine électrique
de Temascaltepec


Brièvement décrit, il consiste en ceci : le minerai est finement broyé par des meules dans des arrastras ,ou pistes circulaires en pierre; les meules, grosses pierres plates, sont entraînées par des mules ou des che­vaux tirant sur un manège. Une fois pulvérisé, le minerai est entassé dans une cour dallée, le patio, sur une épaisseur d'environ un pied, et mélangé avec du sel marin et du sulfate de cuivre, que les alchimistes appe­laient du magistral. Ce magistral est facilement obtenu sur place par des pyrites de fer et de cuivre légè­rement grillées et étendues d'eau. Ensuite on fait fouler le minerai réduit en boue, pendant une ou plusieurs semaines, par des chevaux ou des mules, en y ajoutant du mercure. Autrefois le foulage était exécuté par des Indiens, mais on dut y renoncer à cause de la fâcheuse influence du mercure sur leurs pieds nus. A Pachuca, ce sont des charrues électriques qui, actuellement, exécutent ce ma­laxage.
Au bout d'un certain temps, l'argent passe dans le mercure en formant un amalgame : on le sépare dans des cuves en pierre en y ajoutant de l'eau et en le faisant encore malaxer mécaniquement. L'amalgame s'accumule au fond des cuves, et il ne reste plus qu'à le distiller pour en retirer l'argent. Cependant, dans certains cas, où l'argent résistait à l'amalgamation, les Mexicains le fon­daient directement.
Il a fallu le procédé tout moderne de la cyanuration, qui n'a avec le procédé du patio que des rapports généraux théoriques, pour détrôner peu à peu cet antique procédé. Nous avons nous-même installé à Temascaltepec la première usine de cyanuration de tout ce district. Le lecteur trouverait sans doute fastidieuse une description du procédé nous dirons seulement que l'on réduit le minerai en poudre fine par des batteries de pilons et qu'on le conduit dans des cuves en acier pour être mêlé à une solution de cyanure de sodium. Cette solu­tion, grâce au contact de l'air introduit par un compresseur, transforme les sels d'argent en oxydes et les dissout. Il ne reste plus qu'à préci­piter l'argent sous forme de poudre noire sur des copeaux de zinc. C'est, en somme, le procédé des fameuses mines d'or du Transvaal, avec des modi­fications de détail. On est arrivé à retirer ainsi plus de 80 pour 100 de l'argent contenu dans les minerais.
Ce nouveau procédé, une fois appliqué en grand, sera seul capable de rendre à Temascaltepec son ancienne prospérité.
Le Mexique, depuis plusieurs siècles, est au premier rang parmi les pays producteurs d'argent. Le total de l'argent produit au Mexique dépasse le tiers de la production mondiale. Il a été estimé, avons-nous dit, 24 milliards, depuis la conquête espagnole jusqu'en 1906. Mais bien des mines étaient exploitées avant les Espagnols : les anciennes villes ruinées, ensevelies sous les forêts, ont dû une part de leur prospérité à ces exploitations argen­tifères dont on trouve encore des restes. Les districts les plus célèbres ont été Zacatecas et Guanajuato. En­suite viennent Chi­huahua, Potosi, Pachuca, puis la région de Temascaltepec, en y comprenant Taxco, Sultepec et El Oro.
Le peuple mexi­cain est mineur ou agriculteur, mais il est plus volontiers mineur. Il est de race indienne, ou bien c'est un métis des races espagnole et indienne; on compte une propor­tion à peu près égale d'Indiens et de métis, et l'habitude des mêmes travaux les a rendus si semblables qu'on a souvent de la peine à distinguer un Indien de race pure d'un métis. Toute cette population parait misérable; elle manque surtout de propreté, je crois, car elle a une santé robuste. Les hommes portent sur les épaules et les reins des fardeaux énormes, soit à la surface du sol sur de longues distances, soit en montant du minerai des profondeurs des mines, en escaladant des échelles rudimentaires ou des degrés escarpés tailles dans le roc. La femme est presque à l'état d'esclave, car si l'Indien est dur pour lui, il est dur pour les autres. Il ne craint pas la mort, mais il n'a pas de scrupule à la donner à un autre. Malgré cette dureté, il garde un aspect sympathique et doux avec son teint cuivre et ses cheveux lisses, noirs comme du charbon. Il a facilement plusieurs ménages, mais cela n'a rien de surprenant pour qui connaît les populations des zones tropicales.
Comme traits de la rudesse de moeurs des mineurs mexicains, je citerai deux faits récents qui se sont passés dans un district voisin de Temascaltepec.
A la mine de la Maroma, un ingénieur américain fut tue par ses employés mexicains en décembre 1907, parce-qu'il se trouvait dans l'incapacité de leur payer immédiatement leurs salaires. La cause en était dans la mauvaise situation financière de sa Compagnie, mais c'était à l'ingénieur à prévoir le cas. La foule rendue furieuse par la fermeture de la caisse, attendit l'ingénieur à son retour de la mine, et le lapida.
Dans une autre mine, un Américain également, qui venait d'être charge de la conduite des usines de traitement, fut assassine par des mineurs en rupture de contrat. Il fut attaqué de grand matin dans sa maison et perdit la vie en défendant sa femme et sa petite fille âgée de cinq ans.


Le petit bourg de Temascaltepec est au fond d'un ravin, au bord d'une rivière


Le mineur mexicain est frugal : il vit de tortillas, sorte de crêpes au maïs qui ont une saveur fort origi­nale et qu'on finit par apprécier. L e maïs est la principale culture des districts miniers. Outre qu'il est frugal, le Mexicain est simple dans ses vêtements, il est vrai que le merveilleux climat de son pays le dispense de se couvrir beaucoup : il porte un costume de toile blanche, des sandales et un immense sombrero; de plus il a toujours sur le bras sa couverture, car les soirées et les nuits sont fraîches : cette couverture lui est indispensable, tantôt elle sert à le draper, tantôt elle est percée d'un trou où il passe la tête et prend ainsi l'apparence d'un manteau; elle est toujours rouge ou de couleurs éclatantes.
Simple d'habitudes, le mineur mexicain se contente d'un modeste salaire. C'est grâce à cela que le Mexique doit une bonne part de la prospérité de ses mines. Du temps des Espagnols, le mineur était plus malheureux encore : c'était un véritable esclave, ne recevait aucun salaire et sa nourriture était à peine suffisante. On dit même que dans certains districts, les mineurs passaient leur vie entière au fond des mines ceux d'entre eux qui remontaient le minerai à la surface par d'interminables échelles étaient, une fois arrivés au jour, impitoyablement repoussés à l'intérieur par des gardes armés. De tels faits causèrent en partie la révolution mexicaine contre l'Espagne.
Actuellement le taux des salaires tend à augmenter au Mexique. Déjà dans les districts du Nord, comme Chihuahua, le mineur reçoit de une piastre et demie à deux piastres par jour, soit de 3 fr. 75 à 5 francs. Mais dans le centre et le sud, comme à Temascaltepec, où les Américains du Nord ne sont pas encore en grand nombre, le salaire n'est que de 0,70 à 0,80 piastre par journée de travail, soit de 1 fr. 75 à 2 francs. Seulement il faut reconnaître que le travail fourni est loin de correspondre à celui qu'on obtient d'un mineur aux Etats­Unis. On peut dire tout de même qu'en moyenne, lorsque le prix de revient dans une mine d'argent des États­Unis est de 10 francs par tonne, il n'est que de 6 à 7 francs au Mexique : il est clair que je parle plutôt des petites mines, et non des grandes installations américaines où le prix de revient est notablement inférieur.
La piastre mexicaine a un cours variable, qui se tient ordinairement entre 2 fr. 45 et 2 fr. 65, elle équi­vaut au demi dollar des États-Unis, bien que ses dimensions et son poids soient exactement ceux du dollar américain. Il y aurait même, semble-t-il, une belle spéculation à faire en achetant des piastres mexicaines pour les fondre et les revendre sous forme de dollars, mais c'est un genre de « commerce » qui n'est permis qu'à un gouvernement.
Le cours des piastres mexicaines avait sensiblement monté en 1905 et 1906 par suite de fournitures importantes faites en Chine et ailleurs, dans l'Asie, si bien qu'on ne possédait plus au Mexique que des demi­ piastres. Même parmi celles-ci, trouvait-on surtout les plus récemment fondues, auxquelles le public a donné le nom de Limantours, le ministre des Finances d'alors; on prétend qu'elles n'ont pas le litre légal, et qu'elles jaunissent à l'usure; dans tous les cas on ne les échange pas aussi facilement que les autres dans les grands établissements financiers.
Depuis 1908, le cours de la piastre a baissé c'est que le Mexique a besoin d'or, et que, bien que sa production d'or augmente, il est surtout producteur d'argent. En somme, c'est un pays auquel l'étalon d'argent serait favorable au moins jusqu'à ce que ses mines d'or aient pris un plus grand développement : il est déjà au septième rang dans le monde comme producteur d'or.
Ce qui rend actuellement les affaires difficiles au Mexique, c'est qu'il s'y est établi un genre de lanceurs d'affaires cosmopolites, qui semblent dé­pourvus de toute espèce de scrupules, après avoir passé par d'innombrables avatars. Ce n'est pas le Mexique qui est mauvais pour les affaires, ce sont les gens qui en font et leur manière de les faire.

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Gorges voisines de Temascaltepec


Elle est d'autant plus fâcheuse, cette invasion des lanceurs d'affaires, que le pays est magnifique et ses habitants très hospitaliers. Dans ces mon­tagnes et ces vallées, l'air est si frais, la vie semble si facile, qu'on s'y prend à douter des mérites de la civilisation et qu'on maudit in petto tous ceux qui l'amènent ici, avec leurs travaux de mines et leurs usines électriques. « Quel beau spectacle que ces tuyaux, me disait quelqu'un, en contemplant une colonne de 150 mètres de gros tuyaux de tôle, c'est la civilisation qui prend possession d'un pays! » Pour moi, je l'avoue humblement, ces gros tuyaux me déplaisaient fort, parce qu'ils coupaient en deux de la manière la plus disgracieuse le joli paysage encadrant Temascaltepec et sa rivière.
Je pourrais multiplier les méfaits à mettre au compte de la civilisation. Je me bornerai à cette simple anecdote. Dans certaine mine, la chance ne favorisait pas l'exploitant; le minerai extrait n'était pas riche. On se demandait quel parti prendre lorsqu'un homme vint trouver le gérant de la mine et, sous le sceau du :secret, car il craignait la vengeance, lui raconta qu'on avait volé le minerai riche. Il cita des noms. Le fait était vraisemblable, car on pouvait pénétrer dans la mine par un vieux tunnel de drainage dont les portes étaient tombées de vétusté, et, comme la délation est fort usitée dans l'administration mexicaine, où elle est excitée par les récompenses en argent, il était possible de croire à la réalité du vol.
Une surveillance attentive fut exercée, mais on ne réussit à prendre personne.
Cependant, comme on trouve, au Mexique, beaucoup de buscones, c'est-à-dire de mineurs exploitant à leurs risques et périls, soit des mines abandonnées, soit des travaux provisoi­rement négligés, il n'est pas malaisé de décou­vrir, en quelques cachettes, du minerai riche dont la provenance est plus ou moins avérée. C'est ainsi qu'on saisit une centaine de kilos, et qu'on trouva dans une cave un réduit, abandonné précipitamment, qui avait dù servir à fondre de l'argent. C'en fut assez; la justice fut appelée, et on emprisonna vingt-cinq individus, dont un chef mineur.
L'instruction dura deux mois : l'un après l'autre, faute de preuves, tous les prévenus furent relâchés. Il fut prouvé que le vol n'existait que dans l'imagination de ceux qui l'avaient dénoncé. Mais cela répandit le bruit qu'on avait voulu surfaire la réputation de la mine en la représentant comme produisant du minerai meilleur qu'elle n'avait. On avait voulu faire monter les actions. Comme la supercherie fut découverte, les actions ne se vendirent pas, et la punition ne se fit pas attendre. Le résultat fut qu'on dut fermer la mine et la vendre avec tout le matériel en vertu de la loi mexicaine qui veut qu'une mine non exploitée soit immédiatement déclarée en déchéance.
Tout le monde, on s'en doute, ne perdit pas à cette aventure.
Cela m'amène à parler des prisons. Celle de Temascaltepec était toujours bondée. A vrai dire, elles ne paraissent pas très dures. Mais pour quelques criminels endurcis, combien de condamnés n'ont à se repro­cher que de légères peccadilles! Un riche Mexicain à qui j'en parlais un jour se chargea de me consoler « Il y a des innocents en prison, me dit-il, mais parmi tous ces mendiants qui peuplent les petites villes du Mexique, il y a en revanche bien des canailles qu'on devrait enfermer. - On en trouverait davantage encore, lui répondis-je, en dehors des mendiants, parmi ces personnages qui éblouissent Mexico. Mais, ici comme partout : aux petits voleurs la potence, aux grands voleurs la révérence. »
J'ai gardé un assez vif souvenir d'un tremblement de terre à Temascaltepec. Ces phénomènes sont fréquents dans la région qui est volcanique : à quelque cent kilomètres au nord se trouve le fameux volcan du Jorullo. Surgi au siècle dernier au milieu d'une plaine couverte de cannes à sucre et d'agaves, il atteignit 300 mètres de hauteur et Humboldt le vit fumant encore. Le tremblement de terre que je ressentis fut parti­culièrement fatal à la petite ville de Chilpancingo dans l'État voisin, le Guerrero : il y eut plus de cent morts et` beaucoup d'édifices détruits.


La rivière de Temascaltepec
(au fond les maisons de la ville)


Toute une immense étendue de pays fut secouée vers I1 heures et demie du soir, dans la nuit du 20 avril 1907. A Temascaltepec, je fus réveillé brusquement par les secousses de mon lit. Je tournai le commutateur électrique et ouvris mes fenêtres, tandis que la maison ne cessait de trembler avec un bruit et des secousses assez semblables à celles d'un wagon secoué sur des rails trop écartés. Je comptai vingt-six secondes avant la cessation du phénomène. Ce qu'il y a de plus désagréable, c'est l'incertitude où l'on est de savoir si les secousses ne vont pas recommencer. Mais je ne tardai pas à me rassurer en voyant que les Mexi­cains des maisons voisines ne sortaient pas sur la place, habitués sans doute aux fantaisies de leur sous-sol.
Je repartis de Temascaltepec en automobile : malgré les énormes difficultés de la route, mon com­pagnon avait voulu tenter l'expérience. Ce fut une course épique, mais il serait trop long d'en conter les péripéties. Malgré son nom orgueilleux de Pearless ou Sans Pareil, cet auto fut impuissant à vaincre tous les obstacles : la montée lui était difficile, et pour arriver aux croix du sommet, il fallut le faire remorquer par un attelage de mules. Comme un être animé, le malheureux auto ne cessa de nous jouer des tours, se met­tant en grève juste au moment où l'on croyait pouvoir compter sur lui.
Voici que nous revoyons les croix du sommet. Nous avançons d'une manière mi-triomphale, mi-piteuse au milieu d'un groupe de charretiers, qui se sont écartés pour nous livrer passage, avec nos quatre mules de front et l'auto quasi impuissant ronflant par derrière. Il fait nuit, et les feux des Mexicains ajoutent encore au pittoresque de cette scène.
Cependant notre véhicule n'est point trop épuisé pour continuer la route sur une pente descendante, il n'a qu'à se laisser aller jusqu'à la ferme de la Puerta, où nous sommes vers huit heures du soir, ayant mis douze heures pour couvrir 50 kilomètres, un trajet qu'on fait à cheval en six heures! Mais évidemment la route qui convient aux chevaux peut ne pas convenir aux automobiles, ou bien il faudrait créer une marque spéciale pour les routes mexicaines.
Le Mexique (lui a tant d'immenses espaces en plaine pourrait facilement construire des routes pour automobiles, niais il faut convenir que les États-Unis, ses riches et industrieux voisins, ne lui montrent guère l'exemple. La France a possédé des routes avant d'avoir des chemins de fer; elle a su les entretenir et en faire de nouvelles; il est donc juste qu'elle cri recueille quelque bénéfice par l'industrie des automo­biles. Les États-Unis veulent vendre des autos avant d'avoir fait le nécessaire pour les utiliser, c'est un mauvais calcul. S'ils veulent devenir producteurs d'automobiles, il faudra qu'ils commencent par faire de bonnes routes chez eux et aussi au Mexique...
Que dire de notre rentrée, le lendemain, à Mexico et de la vue splendide qu'on a pendant la descente du col de Toluca ? Il y a peu de spectacles au monde plus grandioses, plus impressionnants, que la vue de cette plaine immense couverte de cultures de toutes sortes, appuyée sur des montagnes de 6000 mètres aux neiges éternelles, aux forêts de sapins noirs. Au fond apparaît la grande ville de Mexico, étincelante avec ses clochers et ses dômes. Je regrettai néanmoins, en rentrant cri ville, le cadre vert et pastoral du vieux village de Temascaltepec, perdu dans ses montagnes.

ALBERT BORDEAUX.

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Indiens porteurs de fruits et de fardeaux